Depuis le 18 juillet et jusqu’au 10 septembre, Paris Expo Porte de Versailles accueille une grande exposition autour du célèbre paquebot que l’on croyait insubmersible, Le RMS Titanic. Le naufrage le plus mythique du cinéma a-t-il été annoncé par Morgan Andrew Robertson dans son œuvre, Futility, or the Wreck of the Titan (Futilité ou le naufrage du titan) ?
Dans ce court roman de 1898, l’Américain raconte le sort d’un paquebot, le Titan, réputé insubmersible… Comment ? En heurtant un iceberg. Le bateau sombre avec un grand nombre de passagers à son bord, faute de canots de sauvetage en quantité suffisante… Le navire imaginaire de Robertson est décrit, tel le Titanic historique, comme une merveille d’ingénierie, destinée à établir de nouvelles normes pour les voyages de luxe.
Le Titan transporte environ 3000 passagers, l’autre 2200, faisant des deux les plus importants navires à passagers du monde au moment de leur construction. Chacun est équipé de dispositifs de sécurité qui leur promettaient de les protéger du naufrage, jusqu’à négliger le nombre des canots de sauvetage...
Bizarre, bizarre
Le bateau fictif est long de 214 mètres, le réel 269 mètres. 45.000 tonnes pour l’un, 46.000 pour l’autre. Les deux ont sombré en avril, et le Titan roulait à 25 nœuds lors de sa collision, le Titanic entre 22 et 24. Enfin, le premier coule dans l’Atlantique Nord, le second au large de Terre-Neuve. Les récits divergent en revanche dans le nombre des survivants : près de 705 pour le Titanic, 13 pour le Titan.
Comment expliquer des similitudes aussi troublantes ? D’abord, l’écrivain a travaillé dans la marine marchande, à partir de 16 ans, et ce durant 10 ans, sur des navires partout dans le monde, avant de devenir bijoutier, puis finalement auteur.
Dans des écrits autobiographiques, Robertson confie s’être lancé dans l’écriture à l’âge de 36 ans, après avoir identifié plusieurs erreurs dans un article sur la mer de Rudyard Kipling : « Si un homme qui n’a jamais officié en mer peut écrire quelque chose comme celle-là, et en tirer de l’argent, pourquoi ne pourrais-je pas ? » raconte l’américain. Il rédige plus de 200 textes de fiction, parmi lesquels Futility, qui passe inaperçu, avant d’être réimprimé en 1912 après le naufrage du Titanic, sous le titre, Le naufrage du Titan, ou Futilité ou le naufrage du Titan.
Un spirite ?
Une thèse répandue pour justifier la prophétie de Robertson serait sa pratique du spiritisme, très en vogue au XIXe jusqu'au début du XXe siècle, comme le met en évidence Philippe Muray dans son XIXe siècle à travers les âges.
Le journaliste Henry W. Francis fait paraître en 1915 un essai, Morgan Robertson, The man, dans lequel il affirme que ce dernier croyait en « une entité spirituelle avec une capacité littéraire, privée d’expression physique, qui avait réquisitionné son corps et son cerveau dans le but de donner au monde les joyaux littéraires qui l’ont rendu célèbre ».
Ajoutons qu’en 1914, ce même Robertson édite un recueil d’histoires courtes parmi lesquelles une, Beyond the Spectrum, raconte une guerre entre les États-Unis et le Japon débutant par une une attaque surprise des Japonais contre la navigation américaine... Pas à Pearl Harbor, mais quand même quelque part près d’Hawaï...
Une approche scientifique
Afin d’expliquer les troublantes similitudes entre le Titan et le Titanic, des chercheurs, qui se sont penchés sur ce cas, avancent que l’écrivain se tenait au courant des développements de la culture et de la technologie maritime, mettant un point d’honneur à être juste scientifiquement et techniquement dans ses textes. Il serait par exemple le premier à mentionner les périscopes dans la littérature. Il a même affirmé avoir inventé l’appareil, avant de se voir refuser un brevet, car un instrument similaire avait déjà été présenté dans une revue hexagonale...
Un numéro du 23 avril 1897 de The Practical Engineer décrit un navire avec des spécifications techniques semblables à ceux qu’il attribuera au Titan un an plus tard : « La White Star Line s’est arrangée avec Harland and Wolff, de Belfast, pour la construction d’un bateau à vapeur de 704 pieds de long... L’Oceanic sera propulsé par trois vis entraînées par trois ensembles de moteurs totalisant entre 45.000 et 50.000 chevaux... On dit que le bateau doit avoir une vitesse de 27 nœuds. »
Au sujet de la collision, la « saison des icebergs » s’étend de la mi-février à début juin, les mois de mars, avril et mai étant la période la plus dangereuse pour les navires empruntant les voies de navigation de l’Atlantique Nord, décrit Mental Floss. À propos du manque de canot, on établissait leur nombre au poids du navire et non à sa capacité. Il était ainsi courant que les grands navires négligeaient ce précieux moyen de survie. C’est la tragédie du Titanic qui va par ailleurs changer les choses de côté là. Il pourrait enfin s’agir d’un simple heureux hasard...
L'état hypnoïde des écrivains
La poétesse américaine Ella Wheeler Wilcox raconte dans son autobiographie parue en 1918, The Worlds and I, qu’elle écrivit à Robertson pour en savoir plus après avoir lu le roman : « J’ai simplement tenté de créer une bonne histoire sans aucune idée d’être un prophète », a répondu Robertson.
Et d’ajouter : « Mais, comme dans d’autres de mes fictions, et dans le travail d’autres et meilleurs auteurs, des découvertes et des événements à venir ont été anticipés. Je ne doute pas que tous les créateurs entrent dans un état hypnoïde, télépathique et perceptif, dans lequel, bien qu’apparemment éveillés, ils sont à moitié endormis et puisent non seulement dans l’esprit mieux informé de ses semblables, mais dans le domaine subliminal de l’inconnu. »
Pour conclure, presque plus étrange est le cas W.T. Stead. Le journaliste et spiritualiste publia deux ouvrages, How the Mail Steamer Went Down in Mid Atlantic en 1886, et From the Old World to the New en 1892. Dans le premier, un paquebot qui coule est équipé de trop peu de canots de sauvetage. Dans le second, un navire terrassé par un iceberg dans l’Atlantique Nord. Des aspects qui prennent du relief quand on sait que ce W.T. Stead est mort le 15 avril 1912, en tant que passager du Titanic...
Le Titanic
Le Titanic a été construit par la compagnie navale Harland and Wolff à Belfast pour la White Star Line. Sa construction a débuté en 1909 et s’est achevée en 1912. Il a quitté Southampton, en Angleterre, pour son voyage inaugural le 10 avril 1912, avec pour destination finale New York. Il a fait des escales à Cherbourg, en France, et à Queenstown (aujourd’hui Cobh), en Irlande.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, alors qu’il naviguait dans l’Atlantique Nord, le Titanic a heurté un iceberg. Moins de trois heures après la collision, il a coulé. Parmi les près de 2200 passagers et membres d’équipage à bord, plus de 1500 ont perdu la vie, ce qui en fait l’une des plus grandes catastrophes maritimes en temps de paix de l’histoire.
Outre l’insuffisance des canots de sauvetage, la vitesse élevée du navire malgré les avertissements concernant les icebergs, et les défauts dans la conception, ont contribué à la gravité de la tragédie. Ce naufrage a eu un impact profond sur les réglementations maritimes internationales, entraînant la mise en place de nouvelles normes de sécurité.
L’épave du Titanic a été localisée en 1985 par le Dr Robert Ballard. Elle repose par 3800 mètres de profondeur dans l’Atlantique Nord. Le drame du Titanic captive l’imagination du public, en partie grâce aux œuvres tirées et expositions consacrées à cet événement historique, dont celui de la Porte de Versailles. Il continue même à faire des décès, avec l’aventure récente de cinq individus partis en sous-marin visiter l’épave du navire, avant de disparaître et d’être déclarés morts.