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Sur clio-cr.clionautes.org/ : Voix de Fêtes

Pierre Allorant et Yann Rigolet : un duo d’enseignants-chercheurs orléanais

L’ouvrage Voix de Fêtes (Cent ans de discours aux Fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans 1920-2020), publié par Pierre Allorant et Yann Rigolet, constitue l’une des dernières parutions de Corsaire Éditions, en 2020.

Pierre Allorant est professeur d’histoire du droit et des institutions à l’université d’Orléans (membre affilié du laboratoire POLEN EA 4710) ainsi que doyen de la faculté de droit d’Orléans (depuis novembre 2016).

Yann Rigolet est professeur-coordinateur au Lycée des Métiers Sainte-Croix Saint-Euverte d’Orléans et chargé de cours à l’Université d’Orléans.

Au sein du laboratoire POLEN (Pouvoirs, Lettres, Normes), Pierre Allorant est membre affilié de la branche CEPOC (Centre d’Études Politiques Contemporaines), dont le professeur des universités Jean Garrigues est l’actuel directeur. La spécificité du CEPOC est d’appliquer en priorité les questionnements du laboratoire POLEN au champ des pouvoirs, institutionnels et autres, mais aussi des contre-pouvoirs, des marges et des dissidences politiques, sociales et culturelles. Il regroupe des historiens du politique et de la littérature, des linguistes, des civilisationnistes et des historiens du droit. Sa spécificité, à l’échelle nationale, est notamment d’être la seule équipe d’historiens français travaillant sur la vie parlementaire. Les problématiques et les travaux du CEPOC sont centrés sur la période contemporaine (XIXe-XXIe siècles) mais également ouverts aux autres périodes historiques, de l’Antiquité à la période moderne. La perspective est donc historique, concernant les politiques de la mémoire (commémorations, discours politiques, mémoires de l’événement et lieux de mémoire).

Voix de Fêtes : les Fêtes johanniques ou la fidélité d’Orléans à son histoire et sa mémoire

Plus ancienne fête de France, traditionnelle et contemporaine, ancrée dans la cité d’Orléans et dans la mémoire vive de ses habitants d’hier et d’aujourd’hui, immuable mais très marquée par les circonstances politiques et sociales de son époque : depuis près de six cents ans, les Fêtes de Jeanne d’Arc mobilisent la population de l’Orléanais et concernent le pays tout entier, dès lors que l’invité du maire saisit sa présidence d’un jour pour parler à tous les Français de leur histoire et de la mémoire nationale.
Si cette libération nous parle, bien loin des tentatives de détournement de l’héritage de l’Héroïne, c’est que les orateurs du 8 mai saisissent cette occasion, depuis 1920, pour évoquer l’actualité, les enjeux du moment, des lendemains de la Grande Guerre à la Reconstruction sur les ruines de la ville martyrisée par la Seconde Guerre mondiale. Cent ans après la venue du maréchal Foch, ces « Voix d’Orléans » rythment des fêtes que seules les guerres ont interrompues et les « malheurs des temps » reportées. Florilège d’une concordance des temps, les grands discours des maires d’Orléans et de leurs invités civils retracent l’histoire d’une ville, de son rapport à son passé et de son rôle dans la vie de la nation. Même exceptionnellement décalées en automne, à Orléans, les Fêtes de Jeanne d’Arc marquent toujours le sacre du printemps, la ferveur d’une renaissance urbaine et patriotique.

Composé au total de 24 chapitres, l’ouvrage est divisé en 5 parties comportant chacune la présentation du contexte, du maire de l’époque, de l’invité ainsi que la publication du discours du maire et de l’invité sans oublier quelques anecdotes, plus ou moins marquantes. Outre une préface signée de Jean Garrigues (p. 7) et d’une présentation générale des discours des Fêtes de Jeanne d’Arc faite par les deux auteurs Pierre Allorant et Yann Rigolet, les 24 moments se répartissent comme suit : 6 pour la partie I (p. 17-66), 3 pour la partie II (p. 67-96), 6 pour la partie III (p. 97-150), 4 pour la partie IV (p. 151-190) et, enfin, 5 pour la partie V (p. 191-243). Puis, suivent deux annexes composées pour la première de la liste des maires, invités, préfets, évêques et des jeunes femmes incarnant Jeanne d’Arc par année (p. 244-247) ainsi que pour la seconde du rapport du préfet du Loiret au ministre de l’Intérieur sur les fêtes johanniques du 11 mai 1920 (p. 248), d’un index des noms de personnes et de lieux (p. 249-252), d’une présentation des auteurs (p. 253) et, enfin, de la table des matières (p. 5).

Partie I : D’un après-guerre, l’autre : Jeanne canonisée, Orléans libérée (1920-1954)

La première partie, intitulée D’un après-guerre, l’autre : Jeanne canonisée, Orléans libérée (1920-1954) (p. 17-66), est constituée de six dates, dont trois sous la Troisième République (1920, 1929 et 1939), l’ensemble de la période sous l’État français (1940-1944) et, enfin, les deux dernières sous la Quatrième République (1947 et 1954). En effet, dans ce premier temps, d’un après-guerre à l’autre, Jeanne d’Arc est canonisée (1920) et instrumentalisée durant les années noires de l’Occupation (1940-1944), dépourvues de fêtes, puis libérée dans une Orléans reconstruite (1954). Ainsi, Pierre Allorant et Yann Rigolet passent en revue les fêtes johanniques retenues : 1920 (Maréchal Foch / Albert Laville), 1929 (Gaston Doumergue / Théophile Chollet – Eugène Turbat), 1939 (Albert Lebrun / Claude Léwy), 1940-1944 (Jeanne sans voix / Images d’une captation par Vichy), 1947 (Vincent Auriol / Pierre Chevallier) et 1954 (Pierre Ségrelle / Maurice Genevoix). Sur les 6 fêtes de Jeanne d’Arc choisies, les discours de 1920 et de 1954 ne sont pas reproduits contrairement à ceux de 1929 (Gaston Doumergue), 1939 (Albert Lebrun) et 1954 (Vincent Auriol), prononcés par les trois protagonistes en tant que présidents de la République française.

Parmi les nombreuses anecdotes qui émaillent ces festivités, nous pouvons retenir que Gaston Doumergue fut le premier président à assister à une messe en tant que chef de l’État depuis la loi de 1905, qu’Albert Lebrun était surnommé très familièrement (en 1939 !) « le chialant qui passe » et qu’enfin, Vincent Auriol a remis au député-maire d’Orléans, le docteur Pierre Chevallier (UDSR), un don de 30.000 francs (15.000 au profit des pauvres du bureau de bienfaisance et 15.000 pour les malades et vieillards de l’hôpital public), en cette année 1947.

Partie II : Le moment Secrétain (1959-1971)

La deuxième partie, appelée Le moment Secrétain (1959-1971) (p. 67-96), est composée de trois suites de discours qui ont été tous prononcés sous la Cinquième République (1959, 1961 et 1962). En effet, dans ce deuxième temps, marqué par le maire d’Orléans Roger Secrétain (UDSR), disciple de Charles Péguy, qui vit pleinement les fêtes johanniques et qui, également, les utilise habilement mais sincèrement dans sa stratégie de développement d’Orléans, de 1959 à sa défaite électorale aux municipales de 1971. De la période de Roger Secrétain, sont retenues les trois années suivantes : 1959 (Général de Gaulle / Roger Secrétain), 1961 (André Malraux / Roger Secrétain) et 1962 (Jacques Chaban-Delmas / Roger Secrétain). Tous les discours ont été insérés, à l’exception notable de celui du maire de Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas, président de l’Assemblée nationale, en 1962.

Concernant les anecdotes de ces trois années, nous pouvons mentionner que le menu des agapes du 8 mai 1959 a été particulièrement consistant et généreux, nécessitant la présence de trois chefs cuisiniers localement renommés, qu’André Malraux s’est éclipsé du cortège johannique pour rédiger son discours dans l’urgence et, qu’enfin, Jacques Chaban-Delmas (sportif de haut niveau) imprime un rythme effréné lors de la procession johannique, au point de s’exclamer : « – Déjà fini ? Cela m’a vraiment paru très court ! ».

Partie III : Jeanne, fille et jeune femme d’Europe (1972-1983)

Dans une troisième partie, nommée Jeanne, fille et jeune femme d’Europe (1972-1983 (p. 97-150), est formée à nouveau d’une série de six discours (tous retranscrits !) exprimés sous la Cinquième République (1972, 1975, 1977, 1979, 1982 et 1983), dont trois sous le septennat de VGE et deux sous le premier septennat de François Mitterrand. En effet, avec le successeur de Roger Secrétain à la mairie d’Orléans (René Thinat) et jusqu’à la venue de Michèle Cotta (en tant que présidente de la Haute Autorité de l’Audiovisuel) en 1983, la décennie de la crise célèbre l’Europe et donne enfin la place aux femmes pour présider les fêtes johanniques. Pour ce 3e temps, six dates sont également gardées par Pierre Allorant et Yann Rigolet : 1972 (Walter Behrendt / René Thinat), 1975 (Anne-Aymone Giscard d’Estaing / René Thinat), 1977 (Emilio Colombo / René Thinat, 1979 (Valéry Giscard d’Estaing / Gaston Galloux), 1982 (François Mitterrand / Jacques Douffiagues) et 1983 (Michèle Cotta / Jacques Douffiagues).

Parmi les anecdotes de ces six années, nous pouvons relater les innovations de 1972 (les fêtes johanniques se sont ouvertes au Parc floral et au quartier de La Source avec fanfares, harmonies et majorettes), que les fêtes de 1975 ont éprouvé les pires conditions météorologiques depuis celles de 1951, qu’en 1977 la reine de Belgique Fabiola décline l’invitation tardivement et elle est substituée dans l’urgence par Emilio Colombo…, qu’en 1979 VGE est arrivé en hélicoptère et a fait une halte à la maison de Jeanne d’Arc où l’historienne Régine Pernoud lui fait visiter les collections, qu’en 1982 François Mitterrand retrouve son vieux camarade de l’UDSR Roger Secrétain et le président Mitterrand rajoute Péguy dans son discours en le citant avant Michelet, et qu’enfin, en 1983 le journaliste Jacques Rameau a écrit un éditorial savoureux intitulé « En Orléanovision ».

Partie IV : À la gauche de la République : Jeanne fin de siècle (1989-2001)

Une quatrième partie, titrée À la gauche de la République : Jeanne fin de siècle (1989-2001) (p. 151-190), est établie par une suite de quatre discours (à nouveau, tous transcrits !), formulés toujours sous la Cinquième République (1989, 1993, 1996 et 1998), dont les deux premières sous le deuxième septennat de François Mitterrand et les deux dernières dates sous le premier septennat de Jacques Chirac. En effet, les douze années suivantes sont marquées par l’interprétation des fêtes par une municipalité de gauche, celle de Jean-Pierre Sueur, lui aussi péguyste et qui renoue avec les élans sociaux d’un Pierre Ségelle tout en se mettant dans les pas de la tradition consensuelle et unitaire de la commémoration de Jeanne d’Arc, libératrice d’Orléans et accoucheuse du sentiment national. Pour ce 4e temps, quatre dates sont seulement arrêtées : 1989 (François Mitterrand / Jean-Pierre Sueur), 1993 (Marceau Long / Jean-Pierre Sueur), 1996 (Jacques Chirac / Jean-Pierre Sueur) et 1998 (Ségolène Royal / Jean-Pierre Sueur).

Pour les anecdotes de ces quatre années, nous avons choisi de nous souvenir qu’en 1989 l’arrivée de François Mitterrand à Orléans s’est fait qu’en début d’après-midi pour cause de célébration de la Victoire du 8 mai 1945 à Paris, qu’en 1993 la Jeanne d’Arc est une orléanaise d’origine portugaise (Sophie de Medeiros), qu’en 1996 le président Jacques Chirac opine ostensiblement du chef quand le maire PS Jean-Pierre Sueur dénonce l’accaparement illégitime de Jeanne d’Arc par le FN de Jean-Marie Le Pen et, enfin, qu’en 1998 Ségolène Royal s’adresse directement à Jeanne d’Arc dans son discours (« de femme à femme ») mais la version orale du discours de la jeune ministre de 45 ans se conclut de manière plus abrupte que la version écrite originelle (car victime de son brouillon) oblitérant ainsi la fin (« la politique doit être […] farouchement morale »).

Partie V : Jeanne au XXIe siècle : Une star du patrimoine culturel (2001-2020)

Une cinquième partie, intitulée Jeanne au XXIe siècle : Une star du patrimoine culturel (2001-2020) (p. 191-243), est constituée d’une série de cinq discours (de nouveau, tous retranscrits !), prononcés toujours sous la Cinquième République (2003, 2007, 2014, 2016 et 2018), sous le quinquennat de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, et enfin, Emmanuel Macron. En effet, depuis deux décennies, la nouvelle alternance (municipalité de droite) à l’hôtel Groslot a vu Serge Grouard et Olivier Carré poursuivre la féminisation des invitations, en consacrant Jeanne d’Arc comme une star du patrimoine culturel immatériel « d’Orléans-sur-Loire ». Pour ce 5e temps, cinq dates sont retenues : 2003 (Bernadette Chirac / Serge Grouard), 2007 (Hélène Carrère d’Encausse / Serge Grouard), 2014 (Stéphane Bern / Serge Grouard), 2016 (Emmanuel Macron / Olivier Carré) et 2018 (Edouard Philippe / Olivier Carré).

Concernant les anecdotes de ces cinq années, nous ne résistons pas à l’envi d’évoquer que 2003 a été le lancement officiel de la bière blanche d’Orléans nommée « La Johannique », que 2007 a été le théâtre d’une polémique sur une prétendue « sacralisation » galopante du Moyen-Âge par certains élus d’opposition, que 2014 a été également le sujet d’une polémique au sujet de la page Facebook de la Jeanne d’Arc 2014 (Félicité Lemaire de la Marne), qu’en 2016 les fêtes johanniques traversent de nouveau (depuis 1971 !) le quartier orléanais de La Source sur la demande insistante des habitants (depuis 2015) en compagnie du président Emmanuel Macron, et qu’enfin, en 2018 les Fêtes de Jeanne d’Arc d’Orléans sont inscrites à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel de la France en attendant l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Voix de Fêtes : un ouvrage d’histoire culturelle orléanaise doté d’une très riche iconographie

L’ouvrage Voix de Fêtes (Cent ans de discours aux Fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans 1920-2020), publié par Corsaire Éditions, est un « beau » livre, grâce notamment à sa très riche iconographie constituée par les fonds patrimoniaux des archives départementales du Loiret, des archives municipales et métropolitaines d’Orléans, du Centre Jeanne d’Arc et, enfin, des archives privée de Jean-Pierre Sueur et de Jacqueline Bozon (cartes postales). C’est l’une des réussites de l’ouvrage, incontestablement !

Néanmoins, il ne faut pas mésestimer la maîtrise et la connaissance intime des deux auteurs pour leur sujet. En effet, Yann Rigolet a travaillé sur les images de Jeanne d’Arc du XIXe siècle à nos jours et Pierre Allorant est un fin connaisseur de la vie politique orléanaise du XIXe siècle à nos jours. Grâce à l’initiative de Pierre Allorant et Yann Rigolet, cet ouvrage s’adresse aussi bien aux enseignants-chercheurs s’intéressant à de nouveaux champs historiques qu’aux spécialistes de l’histoire culturelle sans oublier les érudits locaux et les étudiants en histoire cherchant de nouveaux sujets de Master 1 et 2 voire de thèse.

D’autres recensions autour de la personne de Jeanne d’Arc ici et ici.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)

 

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Pierre ALLORANT/Yann RIGOLET
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