Cette année, lors des fêtes johanniques, aucun discours ne sera prononcé par un invité d’honneur ou le maire d’Orléans. Pierre Allorant et Yann Rigolet, deux universitaires orléanais, ont cependant choisi de compiler dans un livre quelques-unes des allocutions marquantes délivrées à Orléans par des personnalités prestigieuses.

B.V
 

Les plus jeunes se rappellent des fêtes johanniques de 2016, au cours desquelles Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, déclama un discours qui fut, pour certains, le point d’entrée de sa campagne à l’élection présidentielle. Cet exemple montre que ces quelques minutes en suspens demeurent un temps fort des fêtes de Jeanne d’Arc. « Très longtemps, La République du Centre a même publié l’intégralité des discours, qui remplissaient des pages entières », rappelle l’universitaire orléanais Pierre Allorant, qui publie avec son complice Yann Rigolet Voix de fêtes – Cent ans de discours aux fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans, un livre copieux qui recense quelques-unes des plus grandes allocutions prononcées le 8 mai par les invités d’honneur ou les maires d’Orléans.

« Depuis la fin du XXe siècle, les discours ont pris une place moins importante lors des fêtes, contrairement aux activités périphériques, reconnaît Pierre Allorant. Mais jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il y avait une attention très forte portée à l’écrit et aux discours. » Lors de ces allocutions, il y eut ainsi des moments de bravoure, d’émotion et même de tension, lorsque Jacques Douffiagues s’adressa par exemple en 1982 à François Mitterrand sur fond de bisbilles politiques et d’inquiétudes face aux temps à venir. « C’était un discours très partisan, mais en général, les discours sont plutôt consensuels et s’inscrivent dans une tradition d’union nationale », estime Pierre Allorant.

Bides et hourra

Le Doyen de la fac de droit avait depuis longtemps envie de publier un livre sur le sujet. À l’origine, l’idée, soufflée par le regretté Christian Bidault, était de compiler « un recueil exhaustif » des discours déclamés depuis le début du XXe siècle ! Un travail de romain, auquel Pierre Allorant a finalement préféré une sélection des meilleures allocutions. « Ce fut un choix à la fois cornélien et subjectif, explique-t-il. Nous avons voulu un équilibre entre les différents maires : de fait, de très beaux discours n’y figurent pas. De même, nous avons aussi retenu des discours qui n’étaient peut-être pas les meilleurs, mais qui ont été prononcés lors de grands millésimes, notamment en 1920, année de la canonisation de Jeanne d’Arc, ou en 1929, année des 500 ans de la libération d’Orléans. »

Alors, parmi ces textes souvent d’une pureté absolue, écrits pour certains par de très grandes plumes, Pierre Allorant en retient quelques-uns : ceux de Malraux, de Secrétain ou de Jean-Pierre Sueur, tous de grands spécialistes de Péguy, ou encore de Denis Tillinac, en 2009. Celui de Ségolène Royal, perdant ses feuilles et s’adressant directement à Jeanne d’Arc, aura également laissé au public un souvenir marquant. Y a-t-il eu, a contrario, des bides absolus ? « Le discours de David Douillet en 2010 était très faible… », admet Pierre Allorant, qui reconnaît que « ces discours reprennent tous plus ou moins la même trame. En revanche, on remarque que chaque époque réinterprète Jeanne d’Arc selon ses préoccupations ». En 2019, les Gilets jaunes s’étaient effectivement emparés de la Pucelle, organisant des « contre-fêtes ». Évidemment, les « discours » entendus alors n’avaient pas tout à fait la même portée littéraire que ceux des fêtes officielles…

Plus d’infos
Yann Rigolet, co-auteur du livre, sera en conférence ce samedi avec Jean-Pierre Sueur à la salle de l’Institut. Pierre Allorant sera quant à lui présent au salon Livre O Cœur, qui se tiendra les 3 et 4 octobre prochains à Orléans.