L’artiste peintre de la collection d’art brut de Lausanne, révélé, pour ses fusils, par Dubuffet, habite toujours à Daumezon. Il a 85 ans… et une vie bien rythmée.

André Robillard arrive au rendez-vous légèrement en retard. Il attendait un coup de fil. De ces coups de fil d’amis (de Paris, de Suisse, de Lille, ou d’ailleurs) qu’il reçoit régulièrement. Dans sa petite maison, à Daumezon. Là où il a été interné pour la première fois quand il n’avait que 9 ans.

Il arbore une casquette, et un sweat coloré fraîchement ramené d’un séjour de trois semaines dans le Cantal. André Robillard, 85 ans, n’est pas vraiment du genre pantouflard.

Au moins 50 peluches

« Suis en pleine forme », lance-t-il, confirmant ainsi la première impression donnée par son pas enjoué. La perspective de souffler dans son harmonica qu’il tient sous le bras le rend, visiblement, guilleret. L’artiste aux célèbres fusils, est, réellement, un personnage attachant.

Un fusil pointé peut changer une vie

Son talent, notamment reconnu par Jean Dubuffet, inventeur du concept d’« art brut », « un art spontané, pratiqué par des malades mentaux ou des autodidactes en dehors des circuits culturels », lui a valu d’être fait chevalier des Arts et des Lettres, le 26 novembre 2015. « La médaille est chez moi, dans un coffret », informe-t-il. Dans un coffret, entre sa collection de pin’s – sur sa veste de jogging est épinglé un « badge à la licorne » qui semble être l’une de ses dernières acquisitions – et sa collection de peluches. « J’en ai au moins 50. J’aime bien celles à mécanique. Un ami gendarme m’en a envoyé quatre nouvelles dans un colis », précise l’octogénaire.

Des cadeaux, il en a reçus à l’occasion des fêtes, qu’il a passées chez son ami Christian Jamet, un Orléanais qui a écrit un livre, sorti en 2013, sur lui.
L’artiste croque la vie. « Mange bien. » Mais fait « toujours le même poids ». Poids plume. Plumes d’oiseaux. Chez lui, ils sont presque dix à lui tenir compagnie. Perruches, mandarins et autres canaris. « Tous les jours, je m’occupe d’eux. Je vis avec la nature », déclare le bienheureux.

Tous les matins, André s’accorde une pause-café. Au Nerval. La « cafet’» de l’hôpital. Et chaque mardi, pour aller faire les courses, il commande un taxi. Une vie bien rythmée qui laisse évidemment de la place à l’art. « Je fais quatre dessins par soir en regardant la télé. Je dessine des renards, Paris, des Indiens… », détaille l’artiste au regard de biais. « Dans la vie, il faut se bouger », lance celui dont les fusils sont parvenus à « tuer la misère ».

« Je suis né sous une bonne étoile »

Se bouger. Sur scène notamment. Déjà plusieurs années que l’homme aux multiples talents fait du théâtre avec Alexis Forestier. « Je joue de l’harmonica, du tambour. Je parle russe, martien. Je passe 1?h?30 sur scène. Je n’avais jamais fait ça de ma vie. Ça me plaît. » Le spectacle « Tuer la misère », dont il est le sujet, est donné un peu partout en France, depuis 2008, et prochainement à Paris.
Mais alors à quoi peu bien rêver le plus ancien pensionnaire de Daumezon désormais?? « D’aller sur la lune. Je m’intéresse aux planètes. » Serait-ce parce qu’il est « né sous une bonne étoile », comme il se plaît à le répéter??

Blandine Lamorisse