Demain matin, les événements survenus le 10 juin 1944 dans les fermes du By, de Cerf-Bois et Grandbois, seront commémorés. Dans l'assistance, prendra place Georges Joumas, professeur d'histoire retraité et auteur d'un ouvrage de référence, réédité, sur ce fait de guerre au cours duquel quarante et un jeunes résistants, lycéens parisiens, ont été fusillés. Dix-huit autres ont été arrêtés et déportés ; quinze ne sont pas revenus vivants. Les fermiers qui les hébergeaient sont morts, eux aussi.entretien

Georges Joumas, vous avez écrit des ouvrages consacrés à Gallouédec et sur l'affaire Dreyfus. Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux événements du By ? En 2010 à l'initiative du CERCIL, une randonnée cyclotouriste avait été organisée, sur les lieux de mémoire du Loiret, pour trente lycéens français, allemands et polonais. Le CERCIL m'avait demandé des commentaires sur chaque endroit. Je connaissais un peu les événements de Sologne, j'ai décidé d'aller plus loin.

Votre ouvrage est complet : à partir de quels éléments avez-vous travaillé ? À partir des témoignages de quelques survivants. Mais surtout, j'ai eu accès aux comptes rendus des procès des acteurs et commanditaires.

Qu'avez-vous découvert ? Le rôle important joué par les agents français de la Gestapo. Huit gestapistes français sont directement impliqués, dont le fameux Pierre Lussac, auteur de nombreux faits contre la Résistance dans le Loiret, fusillé en 1946. Il avait plusieurs centaines de morts sur la conscience…

La Gestapo est intervenue sur renseignements. Avez-vous identifié leur origine ? Avec précision, non. Mais au cours de mes recherches, trois hypothèses se sont dégagées. La première porte sur la présence du jeune André Laurent parmi les lycéens, un agent infiltré, membre de la Gestapo de Paris pour l'argent. Il a été jugé et exécuté en février 1945. La deuxième, sur Jean-Noël Guinard, autre agent infiltré. Dénonciateur des chefs du corps franc Liberté, milicien : les policiers qui ont enquêté le chargent beaucoup. Il a été arrêté et fusillé à la libération de Paris, le 26 août 1944. Enfin, l'un des chefs de réseau arrêté le 7 juin 1944, André Perrier, a été torturé. A-t-il parlé ? Lussac l'a chargé, lors de son procès. Mais il mentait beaucoup… Perrier est mort en déportation.

Et puis, il y a cet officier allemand qui a refusé de fusiller les jeunes pris à Grosbois… Oui, le 10 juin, la Sologne est quadrillée par l'armée allemande. La Wermacht est là. À Grosbois, Lussac demande à l'officier de fusiller ces jeunes, pourtant pas armés : ce soldat, un ancien de 14, refuse. Ils partent ensuite en déportation, trois reviendront. Dont l'un témoignera plus tard que, sans cet officier allemand, il ne serait plus là.

Livre. « La tragédie des lycéens parisiens en Sologne, 10 juin 1944 », par Georges Joumas. Corsaire éditions, 18 €.

Les lycéens parisiens massacrés ou arrêtés le 10 juin 1944 étaient, pour la plupart, des résistants de longue date, impliqués. Certains avaient même participé aux manifestations du 11 novembre 1940. Membres du réseau Thermopyles, ils rejoignaient les maquis de Corrèze pour participer aux combats contre les Nazis. En tout, 150 à 200 jeunes transitent par le Loiret en juin 1944. Par petits groupes, ils font étapes. Six lieux d'accueil se situent dans ce coin de Sologne. Le 9 juin, certains arrivent trop tard au By pour être dispersés. C'est le moment où la Gestapo orléanaise, informée par un renseignement le matin même, décide de frapper.