Dans son Histoire du débarquement en Normandie, Olivier Wieviorka note que le débarquement produisit un durcissement de l’occupant. Les massacres du 10 juin 1944 près de la Ferté-Saint-Aubin dans le Loiret en sont une tragique illustration : arrêtés en trois vagues successives, quarante et un lycéens et étudiants parisiens, qui avaient gagné la Sologne à l’annonce du 6 juin pour former un maquis, voire rejoindre celui de Corrèze, 208 furent fusillés par la Gestapo, vingt autres furent déportés, sans retour pour cinq d’entre eux.

L’étude minutieuse de Georges Joumas se fonde non seulement sur les témoignages des survivants (dont Pierre Sergent, futur cadre de l’Organisation armée secrète, OAS), mais aussi sur les archives départementales du Loiret, où se tinrent, après la Libération, les procès des exécuteurs du Sipo-SD, du moins d’une part d’entre eux, ainsi que des « gestapistes » français qui les assistèrent.

Elle reconstitue l’organisation des résistants parisiens, affiliés au réseau Vélite, leur cheminement depuis Paris, leur hébergement dans des fermes, puis leur arrestation. Elle se poursuit par l’exploitation méthodique des archives judiciaires, et s’appuie sur la documentation fournie par Serge Klarsfeld concernant les officiers du Sipo-SD qui échappèrent aux poursuites. Elle examine enfin la perpétuation de la mémoire des victimes, localement et dans divers lycées parisiens, car la plupart étaient issues des classes préparatoires de lycées. Centrée sur les cinquante-six martyrs, l’étude estime qu’au total la marche vers la Sologne fut le fait de cent cinquante à deux cents jeunes parisiens. Cela témoigne de l’élan que suscitèrent le débarquement et les prodromes de la Libération, comme le montre également le massacre de jeunes résistants à la cascade du bois de Boulogne au mois d’août.

Alain Monchablon