L’auteur s’est mis en tête de dépouiller tous les procès, d’éplucher les archives, de pister les fuyards… - ADEFINIR Auteur

L’auteur s’est mis en tête de dépouiller tous les procès, d’éplucher les archives, de pister les fuyards… -

Le même jour où 642 habitants d’Oradour-sur-Glane étaient exterminés, 41 jeunes résistants parisiens étaient fusillés en Sologne. Georges Joumas a étudié les faits et les suites judiciaires.

Georges Joumas est historien, cyclotouriste aussi. Les deux activités n'ont rien d'incompatible, elles peuvent même se rejoindre. La preuve par un livre.

Car « aussi curieux que ça paraisse », explique-t-il, amusé par l'anecdote, c'est une randonnée - « pour laquelle j'avais été sollicité par le Cercil pour encadrer des lycéens allemands, polonais et français » - qui l'a conduit à écrire « La tragédie des lycéens parisiens résistants, 10 juin 1944 en Sologne ».

« Ces trente jeunes devaient faire à vélo le tour du Loiret des lieux de mémoire ; les camps de Jargeau, de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, et tous les hauts-lieux de la Résistance, comme la nécropole de La Ferté, érigée par l'association des parents des victimes… »

Quatre ans après, Georges Joumas se souvient d'un moment « formidable, très émouvant ». Et du point de départ d'une autre aventure : ce nouvel ouvrage qui, à l'entendre, relève presque de l'évidence. « Je me suis intéressé à ces jeunes tués, des lycéens eux aussi, venus pour beaucoup à vélo… » Ils avaient 17, 18, 19 ans, 23 tout au plus. Élèves de Louis-le-Grand, de classes prépa, d'HEC ou étudiant en fac de droit. « Peu de choses avaient été écrites sur eux, poursuit l'ancien professeur, spécialiste reconnu de Dreyfus. Ils partaient pour la Corrèze, pour renforcer les maquis, harceler les troupes allemandes et ralentir leur remontée afin de faciliter les opérations du débarquement. Je me suis lancé, j'ai cherché des archives… »

Trahison

Ainsi Georges Joumas a-t-il pu retrouvé « le chef de tout le réseau, Philippe Wacrenier, qui n'était pas Orléanais, mais qui a fait toute sa carrière au BRGM »… Ainsi a-t-il pu contredire quelques idées reçues, telles que l'inorganisation, l'impréparation et l'inexpérience présumées de ces jeunes. « Certains, parmi les plus vieux, étaient résistants depuis novembre 40 ! Ils s'entraînaient par des marches, savaient manier des armes, lire des cartes d'État-Major… Malgré leur jeunesse, ils étaient très, très bien organisés. Le malheur est qu'ils ont été trahis ; leur réseau avait été infiltré… » 41 ont été fusillés par la Gestapo ; 15 autres, qui avaient été arrêtés, sont morts en déportation ; et 2 personnes (dont le notaire de Bazoches-les-Gallerandes), pour les avoir hébergés, ont également perdu la vie… « Aucun n'avait une arme, il est très important de le savoir ! »

« Aucun n'avait une arme… »

Georges Joumas aurait pu se contenter des faits, s'arrêter aux fermes du By, de Cerfbois et de Grandbois. Mais il s'est mis en tête de dépouiller tous les procès, d'éplucher les archives, de pister les fuyards, les nazis, les Gestapistes… « L'importance des agents français dans la Gestapo s'avère d'ailleurs une découverte malheureuse. Sept sont impliqués dans cette affaire. Deux ont été condamnés à mort et exécutés, alors que les trois principaux chefs allemands n'ont jamais été jugés ! »

Quoique la ville d'Orléans eût missionné Serge Klarsfeld en 1976, le commandeur Fritz Merdsche a pu vivre incognito jusqu'à sa mort, en 1988, dans un village de la Forêt Noire. Le Barbie orléanais, qui aurait causé 2.000 morts, a bénéficié « de grosses complicités… » Il est des mémoires à honorer, et d'autres à dénoncer, encore et encore.

La tragédie des lycéens parisiens résistants, 10 juin 1944 en Sologne. Corsaire éditions, 18 euros.