Le maire de Châtillon-sur-Loire, Emmanuel Rat, maîtrise parfaitement le berrichon. Des connaissances dues à son enfance, lorsque ses parents tenaient un café très fréquenté. -

Agouant, vous avez dit agouant ? En patois berrichon, cela signifie « turbulent ». Certains termes sont toujours usités dans le Giennois.

Il y a quelques jours est paru « Poèmes et goguenettes », un recueil de textes de Camille Delamour, recueillis et présentés par Virginie Brancotte, déjà auteur d'une biographie du poète berlingotier du Giennois (lire par ailleurs).

Ces poèmes sont tous écrits en berrichon, un parler qui tendait déjà à s'éteindre à l'époque où Delamour a commencé à rédiger ses textes, au milieu des années 1940. Que reste-t-il aujourd'hui du berrichon dans le Giennois ? Nous sommes allés poser la question aux habitants de Gien et Châtillon-sur-Loire.

À Gien, chou blanc sur toute la ligne. André, un retraité, estime qu'il est un peu jeune pour parler la langue de ses aïeux : « Je suis originaire d'Argent et je vis à Gien depuis 1945. Mais je n'ai que 80 balais ! Le berrichon, c'était mon grand-père qui le parlait ! » Croisé dans la rue, Henri Gaudichon, président de l'Abeille de Gien, s'en tire mieux : « Quand j'étais petit, j'étais un gamin "agouant" », confie-t-il en riant. Ah bon ?

Sur le marché de Châtillon-sur-Loire, en revanche, marchands et clients avouent volontiers employer quelques mots berrichons. « La "boucheture", ou "bouchure", par exemple, qui veut dire haie ; ou le verbe "sarreuyer", qui veut dire écarquiller les yeux et qu'on emploie souvent pour les bébés », explique Catherine, de Saint-Firmin.

Olivier Bongibault, marchand de légumes à Châtillon-sur-Loire, maîtrise le vocabulaire « de base » : « Évidemment, "agouant" ou "se mettre anceleu", qui signifie se mettre à l'abri. »

Emmanuel Rat, maire de Châtillon, lui, est presque docteur ès berrichon. Pas question de vocabulaire de base, mais bien de traductions complètes de phrases. Et pour cause : « Mes parents avaient le café de la Mairie, à Châtillon. Quand j'étais petit, les personnes âgées parlaient encore berrichon. Même à l'école, des enfants mettaient des expressions de patois dans leurs phrases. »

Exemple pratique : si Emmanuel Rat vous dit qu'un drôltiot s'est mis anceleu à côté de la bouchure parce qu'il y avait un agaudiau ? Il faut comprendre qu'un enfant s'est mis à l'abri à côté de la haie pour se protéger d'un orage.

À 92 ans, quant à elle, Marie-Rose étonne toujours ses petits-enfants. « Je leur dis : "Ramassez donc vos besaines !" Et ils me demandent ce que je raconte. Tout simplement de ramasser leurs vêtements. Mon papa parlait le berrichon, moi, un peu moins. »

Que restera-t-il de ce patrimoine linguistique dans quelques années ? L'avenir le dira, mais peut-être pas en berrichon.

Pascale Auditeau

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